LA RUPTURE -19

Publié le par lambersart-yvon cousin

Si les problèmes liés à la sécurité m'ont longtemps occupé et inquiété; à partir de l'an 2000 il a fallu répondre à une exigence de plus en plus exprimée par la population: la proximité . Partout les Français critiquaient les élus « qu'on ne voit qu'au moment des élections; qui promettent alors tout mais oublient tout, une fois élus». A Lambersart, vu le nombre d'associations que la municipalité aidait et même choyait (avec une arrière pensée politique ,bien sûr), les élus se trouvaient souvent «à portée d'engueulade», ce qui atténuait naturellement les conflits . Néanmoins il a été décidé de formaliser des rencontres élus-habitants. La démocratie participative a été installée en 2002 et s'est vite trouvée renforcée par le service de proximité chargé de résoudre au plus vite et au mieux les problèmes sur la voie publique. Les conseils et les assemblées de quartiers se réunissaient trois fois par an et l'on s'efforçait de répondre aux réclamations et suggestions en moins de 48H. Mieux qu'à La Redoute !

Pour faciliter les échanges directs on s'est aussi acheté un Proxibus qui stationne encore régulièrement dans chaque quartier. Je ne crains pas d'écrire que les contacts foisonnaient . Le maire a même voulu ajouter à cette pléthore de rencontres des pt'its déjeuners, des visites de rues , et un tchat. Ses nombreuses activités extérieures , essentiellement politiques, ont vite eu raison de ces nouveautés people

Personnellement j'ai vécu avec passion cette période. Je cumulais sans répit une vie familiale, une vie professionnelle, une vie municipale et j'y ajoutais même des sessions aux Instituts des Hautes Études de Défense Nationale et de Sécurité Intérieure. Cette agitation me satisfaisait égoïstement mais je crois pourtant avoir exagéré car ma vie familiale ne pouvait qu'en pâtir. Heureusement mon épouse et mes enfants ont su montrer souplesse, bienveillance et tolérance. C'était une chance.
Hélas, la vie municipale a évolué dans un sens qui ne me convenait plus. Peu à peu mes relations avec le maire se sont détériorées, la confiance s'est estompée puis s'est perdue . Il ne me restait que les bons souvenirs du temps où nous partagions presque en famille, une partie de nos vacances. D'élu à l'écoute et sensible au bon fonctionnement et à l'harmonie de son équipe, il s'est mué en notable imbu de lui même et de sa supériorité politique. Un véhicule de luxe avec chauffeur rappelait à ceux qui auraient eu tendance à l' ignorer que leur maire méritait de grands égards . Son installation dans le château Delannoy au cœur de la ville, suscitait, même à tort, des propos peu amènes et des railleries. Trivialement on pourrait dire qu'il avait attrapé la grosse tête.                                                       

liberté hebdo 20/01/2006

 

En outre, sa liaison d'abord officieuse avec une adjointe a changé l'état d'esprit dans le groupe municipal . Autour de lui et de son adjointe de coeur à qui il avait réservé un bureau jouxtant le sien, une Cour s'est constituée. L'ordre établi a changé . Des adjoints et adjointes ont dû céder devant leur collègue nouvellement promue et très influente  .Certains se sont vus   «coiffés» par cette nouvelle souveraine et ont perdu une partie de leurs prérogatives. La ville de Lambersart s'est donc payé le luxe , par exemple, d'avoir une adjointe chargée de la stratégie culturelle et un adjoint chargé de la culture . La tête et les jambes en quelque sorte . De même , un adjoint besogneux gérait les salles municipales à l'exception des salons et salles de prestige confiés à... devinez!

Le personnel municipal a souffert lui aussi. La cote d'amour, les exclusions, les mises au placard ,les dénigrements , voire dans certains services le harcèlement, le tout souvent orchestré par la complaisance extrême du directeur des services , ont pris le pas sur la valeur professionnelle et le mérite . Des noms me viennent spontanément: V.F, L.B ,A.C, K.C, A.K, C.L... et d'autres ont été portés au pinacle avant d'être brusquement déchus .Il suffisait d'exprimer une critique, de manifester une réticence ou d'avoir vu ce qu'il ne fallait pas voir pour subir les foudres du pouvoir .. Certains ont comparé l'organisation de la mairie de Lambersart à celle de Lavallois-Perret administrée par le couple Balkany. Lui, maire et sa femme adjointe. Peut-être . Mais, à Lambersart c'était une véritable Cour qui régnait. La magnificence, le favoritisme et la courtisanerie étaient flagrants . Les frais de bouche, comme on dit depuis le temps des rois , y tenaient une grande place .Le maire, son épouse et quelques privilégiés ne se gênaient pas pour faire payer aux contribuables lambersartois leurs notes de restaurant . C'était un scandale dont j'ai pris connaissance plus tard lors de contrôles mais que les élus d'opposition d'alors dénonçaient déjà. Si en tant que premier adjoint je déjeunais une fois par mois en moyenne avec le maire, et à sa demande, je n'imaginais pas par ailleurs la démesure de ces dépenses engagées par le maire et ses acolytes à titre privé mais avec l'argent public.

Au delà de ces écarts et de ces méfaits , le copinage et les tricheries se multipliaient . Les amis bénéficiaient de promotions dans le bulletin municipal devenu au fil du temps un organe de propagande; des salles municipales étaient louées à tarifs plus que préférentiels aux proches ; des séminaires d'élus enrichissaient indûment un organisme de formation proche politiquement du maire, une association sous dépendance servait des indemnités anormales à des cadres municipaux, etc ...Certaines irrégularités ont d'ailleurs fait l'objet de plaintes au tribunal.

C'est aussi dans les opérations immobilières que sont apparues au grand jour des entorses ou des combines répréhensibles: des tolérances pour construire sans permis, des ventes de terrain à prix «contestables», des manigances dans les projets immobiliers et de fortes suspicions de favoritisme .
Au fur et à mesure que je les apprenais ,- souvent par hasard car on se méfiait de moi- je supportais de moins en moins ces arrangements et ces combines. «Tu es vraiment naïf!», me disaient mes amis . Certains collègues élus et de nombreux employés municipaux n'hésitaient plus à me confier leur indignation ou leur répulsion. Indéniablement, une cassure s'opérait entre ceux qui avaient un intérêt personnel pas toujours avouable à faire partie de la Cour et les autres, isolés au mieux, dénigrés et harcelés au pire .

J'ai choisi mon camp. Malgré parfois des signes de sympathie à mon égard. Au cours d'un conseil municipal, par exemple,  je me suis vu offrir après une série d'éloges , un livre , le bonheur selon Confucius . J'ai vite déchanté quand j'ai appris que ce cadeau qui m' avait été présenté comme un don personnel avait été acheté sur le compte de la commune !

Je finissais par contester de plus en plus les méthodes employées ,au point d'apparaître comme un opposant qu'il n'était pas recommandé de fréquenter. Autour de moi s'était constitué quand même un petit noyau d'élus cherchant à revenir à un fonctionnement sain de notre mairie. Un soir , en réunion de liste , j'ai dû subir une attaque frontale . Le coup était prémédité et dur .Les thuriféraires m'ont cloué au pilori s'offusquant que je puisse contester un aussi bon maire «pour qui j'irais décrocher la lune!» a même déclaré une collègue dans un excès de bigoterie. Le maire a laissé dire et , en bon politique , m'a invité quelque temps plus tard à un déjeuner en tête à tête. C'était en juin 2013 au restaurant Chai Latour  sur la route de Pérenchies, un restaurant où il était bien connu . Je lui ai annoncé que j'étais prêt à le quitter et même à me présenter contre lui à l'élection de 2014 si plusieurs conditions n'étaient pas réunies:  qu'il soit présent davantage dans la ville; qu'il mette fin au phénomène de Cour et aux privilèges qu'il s'octroyait; qu'il remplace le directeur des services dont la gestion du personnel municipal était mal acceptée. A son habitude, et en habitué des conflits, il m'a répondu que ces conditions étaient inacceptables, qu'il fallait y réfléchir, se revoir après les congés, et pour me montrer l'estime qu'il me portait il m'a proposé de faire en sorte que je devienne conseiller régional. J'ai su plus tard qu'il avait fait la même promesse à un autre collègue.. Je lui ai précisé que je ne souhaitais pas faire une carrière politique , que ma seule ambition serait éventuellement,  de lui succéder pour terminer un mandat si, comme il en était question, il était atteint par le non cumul des mandats de député et de maire . J'ai refusé sa proposition relative au conseil régional disant que, pour le reste, je donnerais ma réponse après les vacances d'été. Il ne m'a plus invité . J'ai attendu jusqu'en novembre avant de me déclarer officiellement candidat.

C'était la rupture.

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B
Toujours un immense plaisir que de te lire , Yvon , à quand une édition ,sur papier afin de pouvoir te lire et relire ..... Et transmettre aux autres ta sagesse et ton immense sens de la transmission du savoir et de l'expérience . Avec toute mon amitié . Thierry
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P
Pourquoi n’a t’on jamais su les raisons du depart precipite de Kakol ??? De droles de rumeurs quand meme…
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C
Un grand moment de vérité !
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