ÉLU DE TERRAIN -18

Publié le par lambersart-yvon cousin

Mon élection n'a posé aucun problème . C'était l'époque bénie où, à Lambersart, il suffisait d'être inscrit sur la «bonne liste» de droite et du centre pour être élu. Comme on pouvait l'être à Lomme, en figurant sur la «bonne liste» de gauche. Je me plaisais même à répéter que dans l'une et l'autre commune un manche à balai avec la bonne étiquette était certain de son élection.

Pourtant, si les choses paraissaient claires et presque univoques du côté des électeurs, ce ne fut pas toujours le cas entre les élus qui, en conseil municipal , choisissent en définitive le maire . Je tiens de bonne source que l'élection de G. Delfosse , par exemple , fut un modèle de volte-face voire de félonie. Les historiens locaux nous ont rappelé que depuis le retour de Ch.de.Gaulle au pouvoir, en 1958, Lambersart était en majorité gaulliste. J. Doscot issu de cette majorité pouvait prétendre devenir maire à la suite de Jules Maillot cousin par alliance du général et les petits fours avaient, paraît-il, étaient commandés Mais, à la surprise (?) générale, au cours du conseil municipal, c'est le centriste G. Delfosse qui fut élu!  Ambiance! Il fut d'ailleurs réélu avec des scores mirifiques jusqu'à sa mort . Son successeur ,M.P. Daubresse , n'a pas su conserver le capital de sympathie qu'octroyaient alors les Lambersartois à leur maire et , depuis une dizaine d'années, la cote de M.P.Daubresse s'est effondrée dans les urnes.

En 1989, quand je fus élu adjoint au maire sans être passé par la case conseiller municipal, Lambersart vivait dans la sérénité – la léthargie diraient certains- de l'ère Delfosse .Je faisais partie d'une équipe pilotée par un jeune maire intelligent, dynamique, déjà rodé à la vie politique puisqu'il avait été collaborateur du ministre Norbert Ségard , ancien président des jeunes giscardiens . donc quelqu'un avec qui je pourrais travailler en confiance avec l'assurance de contribuer au bien public. L'équipe mêlait la vieille garde des centristes de G. Delfosse , toujours peureux ou réservés, des gaullistes pur jus et des libéraux affirmés comme J. Crapet ou A Defebvre. Au cours des mes cinq mandats j'ai pu apprécier le dévouement d'hommes simples tel André Martel qui se rendait à mobylette chez les personnes âgées pour leur venir en aide ou le rôle important du souriant Ali Achouri .sur le quartier du Pacot-Vandracq. Mais, indéniablement, la vie politique , à Lambersart et à la Communauté Urbaine , m'a montré que derrière des élus intègres et honorables s'allonge la file des girouettes , des traîtres, des calomniateurs, des sournois, des arrivistes, des soumis …Pourquoi suis-je donc resté dans cette galère? Comme beaucoup, n'ai -je pas voulu satisfaire mon estime de moi? ,mon ego surdimensionné?, peut-être aussi mon désir de pouvoir ou ma soif d' honneurs? L'appât du gain? Non . Mais objectivement je me demande si 25 ans de vie municipale ce n'est pas trop. D'autres n'auraient-ils pas fait mieux ou aussi bien?  Aujourd'hui -mais c'est facile d'écrire cela après coup!- je pense que sur une durée totale de 18 ans, un seul mandat, (national ou local) renouvelable deux fois est une solution de sagesse. La vie démocratique doit se partager et rien n'est plus condamnable que les professionnels de la politique .

Pourtant, ce que j'ai vécu, je ne le regrette pas . J'ai fait la connaissance de nombreux Lambersartois et à présent rien ne me plaît plus qu'un signe de sympathie qui se manifeste de façon inattendue. L'autre jour , alors que je sortais de chez moi, un bus Transpole (Ilévia maintenant) s'est arrêté à mon niveau. Le chauffeur a ouvert la porte et m'a crié avec beaucoup de cordialité «bonjour M. Cousin!» à l'étonnement de ses voyageurs. Le temps de me remémorer et j'ai reconnu F..., un ex jeune meneur du Pacot -Vandracq avec qui j'avais failli me battre au temps où je représentais la mairie au centre social très perturbé . Entendre cela une dizaine d'années après les faits, quelle récompense! J'ai appris plus tard que F... était devenu un conducteur apprécié dans son entreprise. Cela me conforte dans l'idée qu'il ne faut pas craindre de faire respecter les règles et les lois . Malheureusement je ne me suis pas toujours appliqué ce principe . Je regrette deux erreurs.

Un soir où je discutais avec un groupe de jeunes sur le trottoir, un sauvageon comme disent tendrement certains hommes politiques , est arrivé et, ouvrant son manteau m'a montré deux ou trois bouteilles d'alcool que manifestement il venait de voler au supermarché voisin. Vous en voulez M. Cousin? me demanda-t-il. J'ai bien sûr refusé lui disant que je n'étais pas dupe de son vol. Mais je ne l'ai pas obligé à aller reporter la marchandise . J'ai failli à mon rôle d'éducateur.

Une autre fois , sur le parking du Castel St-Gérard, une maman qui venait rechercher sa fille en fin de soirée-jeunesse a refermé par mégarde son véhicule ,laissant les clefs à l'intérieur. Devant son désarroi j'ai appelé un jeune dont je connaissais les performances délinquantes . En un clin d'oeil il a ouvert sans dégâts la portière. La maman était ravie mais je venais de perdre une partie de mon ascendant sur le jeune! Grave erreur éducative!

Heureusement je pense n' avoir commis que très peu de fautes de ce type.

D'ailleurs , quand je fais le bilan de mon activité municipale je pense sincèrement ne pas avoir à rougir . De dixième je suis arrivé à la place de premier adjoint. J'ai eu le privilège de pouvoir «mettre ma patte» dans de nombreuses délégations: jeunesse, affaires militaires, jumelages, démocratie participative, sécurité, propreté, voirie, circulation et proximité. Je finissais par très bien connaître la commune et ses habitants. Chacune de ces délégations m'a apporté de belles satisfactions ou fait vivre de bons moments . L'acte de contrition de Me Hammes, bourgmestre de Viersen, (All), demandant pardon publiquement pour la conduite de son pays entre 1939-1945 m'a beaucoup ému. La cérémonie de signature du jumelage avec Southborough (G.B) , «à l'anglaise» , quand une voiture de collection est venue chercher notre maire à l'hôtel m'a aussi fort impressionné par son originalité et sa dignité et je ne peux oublier la Comédie des chênaies réunissant dans un spectacle Lambersartois et Anglais pour évoquer l' amitié naissante entre nos deux populations au cours de la première guerre mondiale . Quelle belle réussite! Je ne peux rapporter ici les magnifiques cérémonies avec nos correspondants étrangers que Me Th Dupont préparait avec tant de soin . J'ai aussi eu le privilège d'accompagner à Kaniev ,en Ukraine,  une délégation de Viersen dans le cadre de leur jumelage. J.M. Roger , éternel globe-trotter, a pris le relais et a réussi à créer une association dédiée et à faire signer une convention officielle entre nos deux villes .                                                                   

Voix du nord 16/10/2009

Dans le domaine de la sécurité , j'ai pu convaincre le maire de créer la police municipale et d'installer des cameras de vidéo protection, malgré la réticence de certains élus du groupe majoritaire .Le résultat a été immédiat. A la Cité Familiale, par exemple ,  la délinquance a baissé spectaculairement. Je suis fier aussi d'avoir favorisé le regroupement dans un même local des polices nationale et municipale pour faciliter leurs relations souvent tendues.

Délinquance...Tout au long de ma vie municipale je me suis heurté à la délinquance la plus visible, la plus perturbante, celle des jeunes .Je me souviens bien de l'année 2003 où Sandro Rosetti, garçon charmant et handicapé a été bousculé et blessé mortellement au manège des autos tamponneuses . Je me souviens aussi de M. Lionet , artisan de la rue du Bourg, frappé lui aussi mortellement au square Jean Monet . Ça fait un Français de moins! a réagi un maghrébin imbécile alors qu'à quelque temps de là, d'autres habitants d'origine nord-africaine faisaient en sorte que «les barbus» ne puissent s'installer à demeure dans le quartier.. Je n'oublie pas non plus le cocktail Molotov lancé par l'arrière dans le véhicule des policiers municipaux en surveillance statique place de l'Europe. Cette place de l'Europe , au cœur du Pacot-Vandracq était un problème permanent . L'ancien coiffeur recevait brusquement le ballon de football dans sa vitrine alors qu'il avait la tête de son client et le rasoir en main. Le boulanger F... a dû subir les déprédations causées par des vandales du quartier quand il s'est arrêté de leur donner gratuitement des petits pains en fin d'après-midi . J'ai vu aussi le commerçant M. H... pleurer dans sa réserve en constatant son impuissance devant la méchanceté et la grossièreté d'un meneur.

Dans le quartier de Canteleu , c'était un jeune voyou, chef de bande qui a tourmenté toute la population pendant des mois jusqu'à ce que le député-maire pèse de tout son poids auprès de la police et de la justice pour le faire incarcérer.

Et nous étions à Lambersart! On imagine facilement la vie des Roubaisiens ou Tourquennois des quartiers sensibles! Heureusement que j'étais aidé dans ma tâche par une équipe d'éducateurs «qui en voulaient». Je tresse une couronne de lauriers à Christine Sarels , jeune femme dynamique et créative, ne craignant pas d'aller à la rencontre des jeunes dévoyés . Elle a créé avec deux élues M.C. Chasseing et M.J. Angot une approche éducative par le théâtre ou la santé en même temps que nous proposions aux jeunes des collèges deux formations ludiques à la citoyenneté: Cité civique et Enquête en cours et  les contrats-jeunes accordant une aide financière pour un petit boulot

Une partie des troubles liés à la délinquance s'est affaiblie ou s'est estompée, je crois. La rénovation du Pacot-Vandracq que je mets au crédit du maire M.P.Daubrese (à l'exception du «raté» de la place de l'Europe) et la discrétion nécessaire au développement de l'économie souterraine à Canteleu, ont certainement aidé à l'apaisement. Malheureusement, pour être moins brutale et souvent moins visible , la délinquance n'en est pas moins incrustée, résultant trop souvent de l'incurie des parents. Je garde en mémoire cette réflexion d'une maman qui , répondant aux reproches que je lui faisais sur ses carences dans l'éducation de son scélérat de fils m'a dit: «je ne peux rien en faire! Essayez donc, vous! Gardez-le !». Et c'est vrai qu'à la suite de la défaillance des parents, la ville doit prendre le relais . La tâche des élus et de leur service dédié à la jeunesse n'est pas une sinécure!

Pour ma part, j'ai fait ce que j'ai pu . La tâche était difficile mais ô combien exaltante comme celle que j'ai vécue dans le cadre de la démocratie participative et proximité .

Là encore j'ai pu vivre des situations passionnantes avant que la rupture ne m'éloigne du maire ...

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