VIE PRIVÉE -16

Publié le par lambersart-yvon cousin

Si ma vie professionnelle m'a donné beaucoup de satisfactions, mes vies familiales et sociales m'ont aussi apporté des joies et des bonheurs. La maison que j'ai achetée à Lambersart, une quasi-ruine des années 30 sur un beau terrain, a occupé une grande partie de mes loisirs pendant une dizaine d'années . Il a fallu terrasser, bétonner, brouetter et servir comme manoeuvre . Des membres de la famille et des amis sont venus prêter main forte. Même mon filleul, à peine sorti du lycée professionnel a su concevoir et installer de nouveaux circuits électriques pour remplacer les anciens encore sous lattes de bois. Mon beau-frère Alain a passé quant à lui plusieurs heures à curer le puits d'eaux pluviales ;

Nous vivions à quatre dans un interminable chantier, ce qui ne déplaisait pas aux enfants puisqu'ils pouvaient jouer sans contraintes . De même, nous acceptions que dans les soirées animées nos amis écrivent leurs pensées philosophiques, parfois avinées, sur les anciens plâtres mis à nu. Pour personnaliser les pièces , j'allais chez Capon , un démolisseur, acheter des portes moulurées , des boiseries de style que M. Alexandre, l'homme de l'art, redimensionnait et posait.. .

C'est donc là que la famille a grandi. Nos deux enfants y ont vécu toute leur jeunesse  :   Philippe, dont je dirai par euphémisme qu'il était aussi attachant que turbulent à la maison comme en classe , (n'a-t-il pas été exclu trois jours du collège pour avoir agressé une camarade à coups de boule de neige ? ) ; Valérie, pondérée, travailleuse et sensible au point qu'aujourd'hui encore elle met son don d'écoute et son empathie au service des autres .Tous les deux ont trouvé leur voie. L'aîné admirateur inconditionnel de Napoléon s'est orienté vers la communication politique avant de s'installer en Floride avec Anne son épouse ; la cadette est tout naturellement devenue psychologue et, avec Yannick , élève et éduque Elliot et Nils  dans le respect des valeurs

.Voilà un demi-siècle qu'ils prennent part à mon bonheur. Je revis parfois avec plaisir ce mardi où j'ai rejoint ma mère sur le marché de la place de la République de Lambersart pour lui annoncer la naissance de Philippe; et je garde bien en mémoire cette visite impromptue de Valérie apportant un gros bouquet de fleurs et, devant notre étonnement, nous annonçant que nous serions bientôt grands-parents!

Les moments heureux ont été nombreux. Bien sûr les naissances ,les communions, et les mariages m'ont tous laissé des souvenirs particuliers. Parmi les plus vivaces je me souviens de cette soirée à Cambrai pour les fiançailles de Jean Claude et Marie Hélène où les vins du « père Lebrun» ont bien réjoui nos cœurs et débridé nos corps . D'autres soirées familiales restent tout aussi mémorables: les réveillons de Noël ou du Nouvel-An chez mes beaux parents qui réunissaient dans leur grand logement les frères, les sœurs , les enfants , les cousins, les cousines...toute une smala.

Si j'excepte le grave accident d'automobile au retour du mariage d'un cousin qui a cloué au lit ma mère pendant plusieurs mois; si j'excepte la destruction de notre camping-car par de jeunes fêtards près de St-Tropez, si j'ajoute deux hospitalisations de Chantal, mon quadruple pontage coronarien après un transport par hélicoptère sanitaire, et surtout le choc à la naissance de la petite Caroline privée de la main gauche, que ses parents et elle -même ont su traiter avec une intelligence et un courage que j'admire; si j'excepte tous ces coups du sort, les moments les plus difficiles à vivre ont été les deuils.

Sans être superstitieux je dois t admettre que le mois de mai m'est néfaste. C'est en mai , bien que dans des années différentes, que ma mère , mon père , mon frère ; ma belle-mère et ma tante Marie Madeleine sont partis.. Joli mois de mai ? Honni mois de mai ! Seule, la naissance de Valérie a fait exception à ces malheurs.

Il y a des scènes que je n'oublie pas. . Deux ans après le décès de mon père par infarctus massif, c'est mon frère Francis qui succombait à un cancer du poumon . Il laissait Michèle avec trois jeunes enfants. C'était un esprit fin, sensible, doué d'humour, très agréable. Ma mère a cru jusqu'au bout à une rémission . Hélas ! Quand au petit matin je suis allé lui annoncer le décès, elle a claqué contre la table la serviette de cuisine qu'elle tenait et s'est effondrée , anéantie. Elle ne s'en est jamais remise, elle n'a plus jamais ri, et plus tard, alors qu'elle était à table chez nous , elle s'est affaissée, victime d'un premier AVC.

Je me dois d'évoquer aussi d'autres souvenirs des funérailles familiales.

Des convois funèbres d'abord. Aujourd'hui il me semble qu'ils sont interdits sur la voie publique mais j'avais une dizaine d'années quand j'ai suivi , derrière le corbillard tiré par un cheval, le cercueil de ma grand-mère paternelle, du hameau du Vert-Gazon à l'église d'Estaires. Près de 2km à pied. . Plus récemment, mon père, en 1981, sans cheval cette fois,  fut peut-être à Lambersart le dernier à bénéficier d'un cortège de son domicile à l'église St-Calixte.

Les messes de funérailles familiales me bouleversent aussi . Pour ne pas pleurer je serre les dents d'autant plus fort que nous avons pris l'habitude de demander à l'organiste d'accompagner la sortie de l'église en interprétant le «Ce n'est qu'un au revoir , mes frères». C'est un air très émouvant pour moi comme l'est « In the Upper Room », de Mahalia Jackson ou le concerto n°21 de Mozart. Tout le contraire de « c'est la vie «  de Chuck Berry !

Malgré tout, je n'ai aucun motif à me plaindre Ma vie familiale à l'évidence m'a offert plus de bonheurs que de peines. Si j'y ajoute les satisfactions que m'ont offertes mes engagements sociaux, je peux même me réjouir de certaines réussites.

C'est peu à peu, sans souci de carrière, que j'ai glissé vers une vie sociale puis" politique" dense . N'y a-t- il pas eu là un certain atavisme ? J'ai l'impression en effet que mon père m'a peut-être montré la voie .

A son retour de la guerre 39/45, où il a été grièvement blessé , il s'est investi fortement dans l'aide aux familles des prisonniers de guerre. Poussé par sa foi chrétienne réelle - il n'était pas du genre à se montrer à la grand-messe le pull de cachemire jeté sur les épaules – il a organisé avec d'autres l'entraide entre les anciens combattants et plusieurs pèlerinages à Lourdes...La veille de sa mort il était même allé à Viersen en Allemagne, avec une délégation lambersartoise qui voulait réconcilier au mieux les anciens adversaires.

affiche du S.I. oeuvre de Marc Wallerand

C'est ainsi que je lui dois peut-être une partie de mes engagements, le hasard faisant le reste .L'histoire est banale . Quand le plus gros des travaux de la maison a été réalisé, je me suis mis à la peinture à l'huile copiant sans vergogne Sisley, Pissarro, Boudin ,Monet... et je me suis enhardi à peindre le port de Cavalaire ou à me retirer , solitaire, près de Bédouin dans le Vaucluse pour vivre la sensation divine de peindre en écoutant de la musique classique. Je me suis joint tout naturellement aux artistes lambersartois et c'est ainsi que, poussé par quelques amis, je n'ai pas osé refuser la présidence du groupement artistique à la suite du départ de Marc Wallerand. Je ne méritais pas cet honneur !. A la même époque, fier de ma ville, je suis entré comme adhérent puis administrateur au Syndicat d'Initiative de Lambersart et, après avoir été secrétaire, j'ai succédé à Marcel Dhennin et à Jacques Lemahieu. Là encore ... par un heureux hasard.

J'étais pris dans un engrenage qui, je l'avoue , ne me déplaisait pas . Je devenais « une personnalité locale ». Et, ce qui devait arriver ,arriva...

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C
Super Yvon toujours aussi agréable à lire. Amitiés Bernard
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